D'un gros robot tueur à un gros bateau tueur
Il y a des plaisirs cinéphiles qui s'avouent difficilement pour les plus distingués parmi eux, comme apprécier le cinéma de James Cameron. A première vue, on est dans les pétarades, les feux d'artifices et la pyrotechnie facile, le film d'action bourrin sans grande originalité mais finalement les implications sont bien plus importantes, nombreuses et nuancées, on trouve même du féminisme dans ces films. Il n'a pas fait beaucoup d'études, a travaillé en usine où il a développé selon ses dires une certaine conscience sociale et aussi un amour pour le Septième Art, son refuge en ces années là. Encouragé par sa femme, le cinéaste a commencé chez Roger Corman, le plus grand avare du cinéma, mais aussi un découvreur de talents à nul autre pareil. Il y faisait décoller de biais des vaisseaux spatiaux en carton pâte sur des planètes en papier mâché comme dans l' «immortel » mais néanmoins méconnu « chef d'oeuvre » « le galaxie de la terreur » dont il a réalisé également les décors qui recyclaient en grande partie ceux de la série TV « V ».
Il y a gagné assez de culot, de confiance en lui et de maîtrise pour réaliser seul son premier film, « Terminator », d'après un « comics » mais sans le dire, « Deathlock » qui raconte les affres d'un cyborg malgré lui. Si tout cela est effectivement débile à raconter, le traitement qu'en fait le réalisateur est largement plus subtil. Finalement, l'humanité construit elle-même les germes de sa propre destruction en se soumettant à des
machines, les êtres humains se conduisant comme des robots programmés et formatés comme les autres, et en remettant ses responsabilités aux mains d'un ordinateur, oubliant ce qu'elle est devenant aussi froide que le métal du squelette des robots exterminateurs, en se soumettant à son industrie. Le « héros », John Connor, poursuivant un robot tueur chargé de transformer le futur, est minable et peu adroit, il subit l'histoire plus qu'autre chose. Par contre, la « faible femme » potentielle du récit est celle qui sauvera le monde à sa place sans pour autant se conduire en walkyrie. Elle est simplement largement plus intelligente Bien évidemment, il reste des notes grotesques dans ce film, typiques de la série « Z », comme le « terminator » joué par Scharzenneger qui monte d'un pas guilleret sur les trottoirs, ce qui est étonnant pour un androïde. On suppose que ce sont là des touches du producteur, Carolco, plus porté sur les « stalloneries » à l'époque.
Dans « Aliens », il donne son interprétation d'un film vénéré de la Science-Fiction, et là aussi le spectateur qui croirait n'y trouver qu'une grosse machine bourrine sans cervelle se trompe. James Cameron n'est pas Michael Bay, auteur à sa manière, cherchant à chaque film à toucher le fond du néant. Le film commence comme "Rambo chez les petits hommes verts" puis dérape vite vers toute autre chose, réflexion sur l'humain, sur la féminité, sur la masculinité, sur la difficulté de l'amour à l'âge industriel, la corruption du complexe militaro-industriel et des prétendues élites économiques qui font très peu de cas de la vie de leurs employés. On trouve
dans « Aliens » une figure de petite fille assez étonnante et parfaitement crédible, ainsi que deux visages de mères, l'une dévorante, la mère « alien », l'autre pleine de compassion, Ripley qui est le seul personnage survivant du film précédent, avec un chat.
Avec « Abyss », il donne son « 2001 » en beaucoup moins cérébral que le film de Kubrick, bien que ce film ne manque de pas de réflexion non plus, en beaucoup moins froid, les sentiments vrais y ont une grande part, et c'est encore un très beau portrait de femme forte. Il y exalte l'amour, l'amitié, se moque de ceux qui rêvent de puissance et fait d'un prolo grossier et mal dégrossi, un type comme tout le monde, le sauveur de l'humanité. Rappelons en l'argument : une station sous-marine industrielle est chargée de plonger pour savoir ce qui est arrivé à l'équipage d'un sous-marin nucléaire ayant sombré dans une faille de le croûte terrestre et récupérer en passant les têtes nucléaires des missiles. Un des militaires présents pour cette entreprise devient fou, victime du « mal des profondeurs », et menace de faire sauter la station et ses occupants. Ceux-ci sont sauvés « in extremis » par des intelligences extra-terrestres qui avaient pourtant décidé auparavant de rayer l'humanité de la surface du globe du fait de sa capacité à la haine et à la violence, à la destruction de son environnement effectuée sans le moindre scrupule. J'avoue préférer largement ce film à « 2001 » justement car il est beaucoup moins ésotérique et moins désespéré, sans pour autant être boursouflé de mièvrerie.
Avec « Titanic » il a réalisé le plus grand film populaire de tous les temps, en assumant le côté populaire justement à plein. Il est facile de mépriser cette oeuvre certes mélodramatique qui a fait à peu près deux milliards d'entrées, mais l'héroïne, là encore, n'y est pas commune et cela suffit à le rendre intéressant. Elle n'a pas du tout le physique ni le caractère des héroïnes hollywoodiennes habituelles. Et même si on connaît la fin, même si ce film est effectivement un mélo, comme disent les esprits taquins, on se laisse prendre par ce long-métrage absolument fabuleux par sa réalisation. James Cameron l'a terminé, ainsi que les acteurs et l'équipe technique, en dormant trois heures par nuit, en pataugeant dans deux mètres d'eau glacée, et en s'injectant pour tenir le coup de la vitamine B12, tous persuadés d'avoir commis une oeuvre qui serait un désastre absolu et en renonçant à leurs salaires, étant payés sur les bénéfices (tout le monde peut se tromper !). Depuis, Cameron a produit une des meilleures séries de SF, « Dark Angel » (surtout la première saison, la deuxième étant un show plus commun avec un « monster of the week »), et un documentaire étonnant sur le Titanic. Il s'apprête à réaliser un film entièrement en 3D, « Avatar, dont le scénario supposé est très excitant pour un « geek » fan de Science Fiction (voir par ici).